Le président de la transition, sur proposition du Premier ministre, a dévoilé ce samedi 1e juillet 2023 la liste du gouvernement remanié dirigé par le Dr Choguel Kokalla Maïga. Outre le maintien de ce dernier à son poste, la nouvelle équipe compte 25 membres, avec un ministère d’État, un ministère délégué ; 6 femmes, 5 éléments des forces défenses et de sécurité ; deux hommes politiques, deux représentants des mouvements armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger.
À la surprise de la quasi-majorité des Maliens, c’est à travers un décret présidentiel lu par le secrétaire général adjoint de la présidence de la République, Pr Alfousseyni DIAWARA à la télévision nationale, que la nouvelle sera rendue publique. À la lecture de la liste du gouvernement, quatre faits majeurs se dégagent, à savoir : la discrétion du processus ; la violation de la loi 052, la promotion des membres du cabinet du chef de l’État et le timing.

La Première lecture que l’on peut faire est que le remaniement intervient dans la plus grande discrétion, un fait rarissime pour ne pas souligner. Une fois n’est pas coutume, l’annonce de ce remaniement a surpris plus d’un observateur. Pour une des rares fois, les observateurs n’ont pas eu vent de consultations entre le Chef de l’État, le Premier ministre et les forces vives de la nation à la veille de ce remaniement. Mieux encore, aucune liste n’a fuité sur les réseaux à ce propos.
De l’avis des observateurs, le calme et la sérénité qui ont caractérisé le processus de remaniement prouvent qu’il n’y a pas de conflit au sommet de l’État, notamment entre la branche politique (M5) dont le Chef est le Premier ministre, et la branche militaire de la transition, représentée par le président Assi Goïta.
En renouvelant sa confiance au Premier ministre, au grand dam des nostalgiques du mouvement démocratique comme l’ancien ministre Adéma sacré Seydou des criquets qui est inconsolables sur les réseaux sociaux, le président de la Transition le colonel Assimi Goïta a donné son verdict : «je garde mon Premier ministre».
Ensemble, ils ont décidé de prendre le taureau par les cornes et de faire le ménage, remerciant une dizaine de ministres de l’ancienne équipe mis en place en juin 2021. Dans la nouvelle équipe, si l’on note plusieurs départs, il y a aussi 12 nouvelles nominations, et des réaménagements importants.
La seconde lecture qu’on peut faire suite à ce remaniement réfère à la portée du Genre. Si les départs sont nombreux dans les rangs du M5-RFP avec 6 ministres, force est de constater que c’est le statu quo concernant le respect de la Loi n° 2015-052/ du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. On est loin d’atteindre les 30% exigé par la loi ; les 6 femmes étant de l’ordre de 24% dans la nouvelle équipe. Les femmes ont conservé le même nombre de portefeuilles, et la même préséance dans le gouvernement.
La troisième lecture est relative à la dose présidentielle. En effet, la nouvelle équipe se caractérise par une forte présence des collaborateurs du Chef de l’État. Parmi, les nouveaux ministres, il y a au moins 4 membres issus du cabinet du Chef de l’État : Amadou SY SAVANE, à l’éducation nationale ; Médecin-Colonel Assa Badiallo TOURE au département,t de la Santé et du Développement social ; Mme Bintou CAMARA, Conseillère spéciale du Président de la Transition au ministre de I‘Énergie et de l’Eau et Mme BAGAYOKO Aminata TRAORE, Conseillère à la Présidence au ministre de l’Entreprenariat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle.
Loin de soupçonner le président Goïta de ‘’copinage’’ ou de ‘’népotisme’’, il faut reconnaître que les défis qui attendent la nouvelle équipe laissent peu de place à l’expectative, à la complaisance ou au laxisme quant au choix des hommes et des femmes qui doivent conduire les affaires du pays dans les prochains mois. Surtout quand on sait que les pays attendent des échéances électorales importantes.

La quatrième lecture qu’on pourrait faire porte sur les raisons de ce remaniement. Un remaniement ministériel consiste à modifier la composition du Gouvernement pendant la durée du mandat de l’Assemblée (législature) sans pour autant provoquer sa démission. Selon son ampleur, un remaniement ministériel sera qualifié de politique lorsqu’il est important, ou de technique s’il est plus réduit. Le remaniement se produit soit lorsque le besoin d’un changement se fait sentir dans le pays (l’exercice du pouvoir use), soit lorsqu’il essuie de fortes critiques dans l’opinion publique, ou enfin le régime a connu un revers électoral ou s’apprête à affronter une échéance électorale capitale. Tel semble être le cas combiné de la situation du Mali en ce mois de juillet 2023.
En effet, en dépit des énormes succès qu’elle a engrangés dans plusieurs secteurs, la transition a besoin de sang neuf, en tout cas de faire la vidange de la machine. Do kera, n’ga tiaman tora. Malgré le grand OUI du référendum (97%) et le tintamarre autour du départ de la Minusma, le quotidien des Maliens n’est guère tel que chacun le souhaite, au premier chef les autorités. La hausse des denrées de première nécessité face à l’étage insolent et arrogant des nouvelles reines déprime les plus fieffés des partisans de la transition. La solidarité à géométrie variable. Tandis que les voies d’accès aux domiciles privés des ministres sont goudronnées, les routes les plus fréquentées et plus utiles pour les populations se battant pour leur résilience sont cabossées avec des nids de poules comme des petits marigots.
La crise n’est pas que sécuritaire, elle est aussi économique et sociale. Beaucoup de ménages ne parviennent plus à joindre les deux bouts. Au même moment, l’État n’a des yeux que pour les réfugiés sélectivement aidés si ce n’est sous les pancartes du parti du ministre officiant. Comme si un malheur n’arrive jamais seul, le front social se réveille notamment dans les grandes structures sanitaires et dans les universités dans un pays presque à bord de la rupture d’approvisionnement. Si le fiasco de la campagne agricole de l’année dernière prospère, nous risquons de rencontrer de sérieux problèmes.
Pour un président qui a fait le challenge de la jeunesse, le peu d’impact et d’empreinte au niveau de l’emploi et de la formation, a dû aussi guidé les choix difficiles du président et du Premier ministre qui ont conclu à la faible promotion du Genre dans un pays où plus de 50% sont des femmes.
Pour ne pas donner l’impression d’accabler la transition, au moment où le pays fait face à une guerre informationnelle sauvage, les médias d’État font la propagande d’une autre époque et les réseaux sociaux font dans le populisme le plus affligeant. Sous ces auspices, le président et le Premier ministre ne pouvaient que changer pour plus de sang neuf.

Par Abdoulaye OUATTARA

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