Le rapport du Système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH), dévoilé il y a quelques jours, a révélé l’existence de 36 151 ‘‘fonctionnaires fictifs’’ sur un total de 158 317 agents publics recensés. Une anomalie qui coûte à l’État plus de 48 milliards de FCFA en salaires indûment versés par an. Face à cette situation, le ministre de l’Economie et des Finances a instruit de suspendre les salaires des ‘’agents fictifs’’ dès septembre. Cependant, cette mesure ne saurait suffire. En effet, elle doit être accompagnée par des sanctions parce que les autorités doivent éviter que ce crime financier n’échappe à la justice.
Face à ce constat accablant, le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséini SANOU, a adressé en date du 26 août 2025, une note aux Directions financières et administratives (DAF) et aux Directions des finances et du matériel (DFM) ordonnant la suspension des salaires concernés dès septembre, écourtant ainsi le délai de grâce initialement fixé à trois mois pour ceux-ci. Une mesure qui pourrait permettre à notre pays de réaliser une économie annuelle de plus de 48 milliards de FCFA.
Si cette décision a le mérite d’afficher une volonté de fermeté, elle ne saurait suffire. Suspendre les salaires des agents fictifs est une étape, mais certainement pas une fin en soi. Car derrière ces chiffres effroyables se cachent des réseaux organisés qui, pendant des années, ont alimenté et protégé ces anomalies au détriment du contribuable malien.
Après avoir consenti autant d’efforts, mobilisé des ressources techniques et politiques, et abouti à des conclusions aussi précises, il serait illusoire de s’arrêter à la simple suspension des salaires, en si bon chemin. Les autorités doivent aller au bout de cette transparence affichée en vue de crever l’abcès. Ainsi, il faut chercher à situer les responsabilités. Car un tel phénomène ne peut être réduit à une erreur de gestion. C’est l’illustration d’un réseau organisé qui entretient la corruption en soutirant le denier public.
Ces enquêtes viennent aussi confirmer les affirmations, en son temps, de l’ancien ministre de l’Education sous le régime IBK, Housseini Amion GUINDO, qui dénonçait les emplois fictifs dans le secteur de l’éducation. En clair, dans le silence plus absolu, certains agents, cadres de l’administration magouillent sur nos maigres ressources.
La transition qui clame un nouveau départ, Mali Kura, avec une volonté ferme de rupture avec certaines pratiques ayant affaibli l’Etat et trainant notre pays dans le « sous-développement » doit entamer le processus judiciaire dans cette affaire. Parce que pendant longtemps, des scandales financiers sont restés sans suite judiciaire au motif que la corruption était perçue banale, tolérée pour certains. Sans sanction, point de s’étonner, les mêmes pratiques réapparaissent, souvent à plus grande échelle parce qu’elles sont encouragées par l’impunité.
Sans identification claire des responsables, sans traduction devant les juridictions compétentes, sans sanctions exemplaires, les résultats du SIGRH rejoindront cette longue liste de scandales révélés, mais jamais punis. Donc, l’enjeu n’est plus seulement budgétaire. Il est politique et moral.
En effet, la transition ayant promis aux Maliens d’en découdre avec des pratiques néfastes comme la corruption, le favoritisme, le népotisme, sera jugée sur sa capacité à sanctionner les coupables et les mécanismes développés pour les réduire significativement. Si la suspension des salaires n’est pas suivie d’enquêtes judiciaires, de poursuites pénales et de condamnations exemplaires, le SIGRH risque d’apparaître comme une opération incapable de rompre avec l’impunité qui gangrène l’État. Aussi, la population douterait de la volonté réelle des autorités de combattre la corruption, surtout que des membres du gouvernement ne soumettent pas aux exigences notamment de la déclaration de leurs biens devant la Cour suprême.
PAR SIKOU BAH