Le mois de la Solidarité et de la Lutte contre l’Exclusion est une initiative sociale instituée par notre pays en 1995 qui se déroule chaque du 1er au 31 octobre (Décret n° 01-468/P-RM du 27 septembre 2001). Le mois de la Solidarité et de la Lutte contre l’Exclusion a pour objectifs : la promotion d’une culture de la solidarité au sein des populations ; la mobilisation des populations et des partenaires autour de la mise en œuvre d’actions visant au maintien de la cohé¬sion sociale ; la lutte contre l’exclusion. Il vise à promouvoir des valeurs de solidarité nationale, de cohésion sociale et d’inclusion des couches vulnérables (personnes âgées, femmes, enfants, personnes vivant avec un handicap, jeunes en quête d’emploi, etc.).
Depuis trois décennies, il constitue un cadre de mobilisation des institutions, des collectivités territoriales, de la société civile et du secteur privé autour d’actions de soutien, de partage et de sensibilisation.
La 30ème édition de 2025 qui sera organisée sous le thème « Solidarité dans la diversité culturelle, base d’une société inclusive », s’articulera autour de quatre semaines thématiques : Semaine des Personnes âgées ; Semaine de la Femme et de l’Enfant ; Semaine des Personnes vivant avec un handicap et Semaine de la Jeunesse, de l’Emploi et de l’Entrepreneuriat. Le lancement est prévu le 30 septembre par une visite symbolique du président à une doyenne de la capitale.
En 30 ans, le mois de la Solidarité est devenu une institution sociale et symbolique dans notre pays. Chaque édition est marquée par des gestes de partage, des dons, des actions communautaires et des plaidoyers en faveur des exclus. Il traduit une volonté politique de rappeler que la cohésion nationale ne peut se bâtir sans prendre en compte les plus vulnérables. Ce rendez-vous annuel a contribué à ancrer une culture de solidarité dans la société malienne. Des milliers de familles vulnérables bénéficient de dons alimentaires, de soins, de programmes d’accompagnement et de formation. De plus, il donne une visibilité aux personnes marginalisées et met en lumière les défis de l’inclusion sociale.
Cependant, malgré son importance, le mois de la Solidarité reste confronté à un double écueil. D’abord, il est souvent réduit à une cérémonie de dons ponctuels, sans véritable impact structurel sur les causes profondes de l’exclusion (pauvreté, chômage, manque d’accès aux services sociaux de base). Ensuite, il existe un décalage entre les discours et la réalité : alors que les autorités célèbrent la solidarité, beaucoup de Maliens continuent de vivre sans protection sociale, avec une marginalisation persistante des femmes rurales, des jeunes diplômés sans emploi et des personnes handicapées.
L’édition 2025, marquant les 30 ans de cette initiative, pose un défi : passer d’une solidarité symbolique à une solidarité structurelle et durable. Cela suppose : la mise en place de politiques publiques de protection sociale élargie, l’intégration systématique des personnes vulnérables dans les plans de développement et un engagement plus concret du secteur privé et des collectivités locales.
Le mois de la Solidarité est une idée forte qui a survécu à trois décennies de bouleversements politiques et sociaux. Mais pour rester pertinent, il doit dépasser le rituel des dons pour devenir un levier de justice sociale et d’inclusion durable. Autrement dit, célébrer la solidarité ne suffit plus : il faut désormais institutionnaliser l’équité dans la gouvernance et l’économie maliennes.
Nul ne peut nier l’importance de ce rendez-vous. Il a permis de maintenir vivante une valeur cardinale de notre société : la solidarité. Dans les villages comme dans les quartiers populaires des grandes villes, dans les camps militaires comme dans les familles éprouvées par la pauvreté, le mois d’octobre est devenu un espace d’attention et de reconnaissance.
Mais une question dérangeante demeure : 30 ans après, la solidarité est-elle encore une réponse ou seulement une façade ?
Le thème de cette 30ᵉ édition « Solidarité dans la diversité culturelle, base d’une société inclusive » sonne juste, mais il engage à aller beaucoup plus loin. Une société inclusive, ce n’est pas seulement donner aux pauvres, c’est refuser la reproduction des inégalités.
C’est garantir une école de qualité aux enfants, un accès aux soins aux malades, un emploi décent aux jeunes, une place égale aux femmes dans la gouvernance, une intégration réelle des personnes vivant avec un handicap. C’est un travail patient, coûteux, mais indispensable.
Trente ans après, le Mali ne peut plus se contenter de célébrer la solidarité comme un rituel. Il faut désormais en faire une politique publique centrale, financée, évaluée et institutionnalisée. Autrement dit : passer du don à la protection sociale généralisée ; passer de la charité symbolique à l’équité structurelle ; passer d’un mois de mobilisation à une action permanente de l’État et de la société.
PAR SIKOU BAH