Le gouvernement a adopté lors de sa réunion de ce vendredi 26 septembre, alors que le Premier ministre devrait s’exprimer à la tribune des Nations unies, le projet de loi portant loi de Finances pour l’exercice 2026 ou le Budget d’Etat de 2026. Les chiffres traduisent un effort de mobilisation accru des ressources internes et externes : 3 057,792 milliards de F CFA de recettes prévues, en progression de 11,61 % par rapport à 2025. Cette hausse, dans un contexte économique marqué par la contraction des aides extérieures et des pressions inflationnistes, traduit la volonté des autorités de renforcer la souveraineté financière de l’État. Toutefois, au-delà de l’effet d’annonce, se pose la question de la crédibilité des prévisions : sur quelles bases fiscales, minières ou douanières repose cette hausse ? Quelle marge réelle le Trésor aura-t-il pour concrétiser ces ambitions, alors que la pression sur les ménages et les entreprises est déjà forte ?

Du côté des dépenses, l’État prévoit 3 578,217 milliards de FCFA, soit une augmentation de 9,10 % par rapport à l’exercice 2025. L’écart entre la progression des recettes et celle des dépenses montre un effort de discipline budgétaire. Mais la masse reste lourde et prioritairement orientée vers la sécurité, la défense et les charges de fonctionnement de l’administration. La question essentielle demeure : quelle part sera réellement consacrée aux investissements structurants (énergie, agriculture, infrastructures, éducation, santé) capables de relancer la croissance et de répondre aux attentes sociales ?
Le déficit global s’établit à 520,425 milliards de FCFA, soit une réduction de 3,66 % par rapport à 2025. Cet indicateur, présenté comme une victoire par l’exécutif, reste cependant préoccupant. D’abord parce qu’il demeure élevé dans un pays en transition, où la dette publique a fortement progressé ces dernières années. Ensuite, parce que son financement dépendra en grande partie des emprunts intérieurs et de partenariats financiers extérieurs, dans un contexte diplomatique tendu et de sanctions résiduelles.
Ce projet de budget soulève au moins plusieurs zones d’ombre.
D’abord, il y a la soutenabilité de la dette. En effet, la réduction du déficit de 540 à 520 milliards de FCFA est saluée par l’exécutif comme un signe de rigueur. Mais derrière cette amélioration comptable se cachent des inquiétudes liées au financement par l’endettement. Dans un contexte où notre dette publique frôle des niveaux préoccupants, chaque nouvel emprunt alourdit le fardeau des générations futures.
L’équation est donc simple en ce sens que si la croissance ne suit pas, notre pays pourrait se retrouver piégé entre un service de la dette asphyxiant et une dépendance accrue à des créanciers régionaux ou bilatéraux, dont les conditions ne sont pas toujours transparentes ni favorables. Le risque est celui d’un budget prisonnier de ses créanciers.
Ensuite, il y a la transparence de l’allocation sectorielle. Annoncer des milliards de recettes et de dépenses est une chose, dire où et comment l’argent sera dépensé en est une autre. Or, le communiqué gouvernemental reste évasif sur la répartition sectorielle. Combien pour l’éducation, combien pour la santé, combien pour l’agriculture et l’énergie ? Dans un pays où les infrastructures scolaires et sanitaires sont à bout de souffle, où l’électricité reste un luxe instable et où la sécurité accapare l’essentiel du budget, ce silence est révélateur. Sans visibilité sur les priorités, le risque est grand que le Budget 2026 se limite à une mécanique comptable, loin des urgences sociales et des besoins de développement durable.
Enfin, il y a la conjoncture sécuritaire et économique. Même les meilleures projections budgétaires peuvent s’écrouler face aux réalités du terrain. Notre pays vit une guerre asymétrique permanente, absorbant des ressources colossales sans générer de retour productif. À cela s’ajoute une vulnérabilité économique structurelle : la dépendance à l’or, dont les cours sont volatiles, et la fragilité des recettes douanières dans un espace sahélien marqué par la contrebande et la fermeture de certaines routes commerciales.
Autrement dit, les hypothèses sur lesquelles repose ce budget sont bâties sur du sable mouvant. Un retournement sécuritaire majeur, une baisse du prix de l’or ou une crise alimentaire pourraient pulvériser les prévisions et laisser l’État face à un budget caduc avant même d’être exécuté.
Le projet de Budget 2026 traduit une ambition réelle de maîtrise des finances publiques. Mais ses zones d’ombre révèlent un paradoxe : plus le gouvernement affiche de rigueur, plus il expose ses vulnérabilités. La dette, l’opacité de l’allocation sectorielle et la conjoncture incertaine constituent autant de fissures dans l’édifice budgétaire. En clair, ce budget ressemble à un équilibrisme périlleux : il peut tenir debout si tout va bien, mais la moindre secousse politique, économique ou sécuritaire risque de le faire vaciller.

PAR EL HADJ SAMBI TOURE

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