« Environ 35 % des malades admis en cardiologie au CHU du Point G sont hypertendus », alerte le Pr Ilo Bella DIALL dans une interview qu’il a nous accordée ce lundi 7 septembre, tout en soulignant que l’hypertension artérielle, souvent silencieuse, constitue un véritable fléau aux conséquences graves : AVC, insuffisances cardiaque et rénale, voire mort subite. Sa prévalence est préoccupante, selon M. DIALL, et s’explique par des facteurs héréditaires mais aussi par des modes de vie à risque tels que la sédentarité, l’obésité, le diabète ou le tabagisme.

 

Info-Matin : Bonjour Professeur Ilo Bella DIALL, c’est quoi l’hypertension artérielle ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : l’hypertension artérielle, c’est l’élévation de la pression du sang au niveau des artères de l’organisme. Il est couramment admis que cette pression ne doit pas dépasser cent quarante (140) millimètres de mercure lorsque le cœur se contracte, et quatre-vingt-dix (90) millimètres de mercure lorsque le cœur se relâche où se remplit.

 

Info-Matin : quelles sont les causes de cette maladie ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : Parler des causes de l’hypertension artérielle est très difficile. Parmi les différents types d’hypertension artérielle, il existe une forme appelée hypertension artérielle essentielle ou primitive. Elle représente 90 voire 95 % des hypertensions et n’a pas de cause évidente.

Les personnes sont hypertendues simplement parce qu’elles ont, soit un ou les deux parents qui sont hypertendus.

Mais à côté de cette hérédité familiale, on retrouve chez ces personnes des facteurs de risques cardiovasculaires comme la sédentarité, l’obésité, le diabète, le tabagisme, la consommation abusive de sel etc….

Dans les autres formes, qui représentent 5 à 10 % des cas, on retrouve des causes d’origine :

* rénale (insuffisance rénale, sténose de l’artère rénale, polykystose rénale…)

* ⁠Endocrinienne (syndrome de cusching, hyperthyroïdie, phéochromocytome …)

* ⁠Médicamenteuse (prise non contrôlée d’anti inflammatoires ou de corticoïdes)

* ⁠gravidique (la grossesse, la pré-éclampsie)

* ⁠L’apnée du sommeil, une cause mal connue.

 

Info-Matin : Comment cette maladie se manifeste chez les patients ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : la manifestation de cette maladie, est variable d’un individu à un autre. Toutefois, on retrouve un certain nombre de signes chez les patients.

Généralement ce sont des maux de tête appelés céphalées ; des bourdonnements dans les oreilles qu’on appelle acouphènes ; des vertiges ; une vision floue.

Ils incluent aussi des palpitations, une gêne respiratoire qu’on appelle dyspnée, des fourniments dans les membres, un échauffement de la plante des pieds ou de la paume des mains, sans compter qu’il peut y avoir une douleur thoracique.

Tous ces signes peuvent être présents chez un individu.

Par contre certaines personnes peuvent avoir simplement un ou deux signes.

Aussi, il y a des malades qui ne présentent aucun signe. Dans ce cas le mode révélateur de l’hypertension artérielle, est une complication. Ces malades viennent à l’hôpital parce qu’ils ont fait soit un AVC, une insuffisance rénale ou cardiaque et au cours de leur hospitalisation, on découvre qu’ils sont hypertendus. Parfois, Ils ont fait une rétinopathie (une atteinte des yeux), au cours de l’examen, l’ophtalmologue découvre des signes d’hypertension artérielle. Généralement ce sont des patients qui n’avaient présenté aucun signe en amont, qui pensaient être bien portants et la tension a été révélée par une complication.

 

Info-Matin : y-a-t-il des tranches d’âge pour cette maladie ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : l’hypertension artérielle peut apparaître à tous les âges. Il existe l’hypertension artérielle juvénile, tout comme l’hypertension de l’adulte ou du sujet âgé. Donc, elle ne concerne pas seulement l’âge avancé dans la mesure où il y a une forte composante héréditaire.

La science nous enseigne que lorsque vous avez un seul parent hypertendu, vous pouvez avoir jusqu’à 40 % de chance d’avoir la maladie.

Lorsque les deux parents sont hypertendus, vous pouvez avoir 75 à 100 % de chance d’être atteint.

Toutefois, vous pouvez ne pas la faire. Aussi, il est admis qu’à chance égale chez 2 patients, les facteurs de risque cardiovasculaires font toujours la différence.  C’est ainsi que celui qui est sédentaire, celui qui consomme beaucoup plus de sel, celui qui fume, celui qui est  obèse, celui qui est diabétique, celui qui a trop de problèmes (stress) ou celui qui consomme de l’alcool, aura plus de chance de développer une hypertension.

Ce sont des facteurs de risque, qui, dans la plupart des cas, sont modifiables. Donc, un jeune de 15 ans, qui a une hérédité forte et beaucoup de facteurs de risque, peut développer une hypertension artérielle, contrairement à un vieux de 70 ans qui n’a pas d’hérédité et de facteurs vu de risque.

 

Info-Matin : Quelles sont les conséquences chez les victimes ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : Les conséquences découlent en partie des signes cliniques.

Les maux de tête, les acouphènes, la dyspnée, le flou visuel en sont unes sur l’organisme. Il existe des conséquences plus graves au niveau du cerveau, l’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique ou hémorragique. Ischémique, lorsque se bouche une ou plusieurs artères cérébrales et hémorragique, lorsque l’artère se rompt et laisse couler du sang dans le cerveau. L’AVC peut se traduire par un déficit locomoteur, une paralysie ou une parésie, un trouble de la vue et/ou du langage.

Au niveau rénal, on observe des complications à type d’insuffisance rénale évoluant facilement vers la dialyse. L’insuffisance cardiaque est une autre complication. Le cœur grossit, le patient est très essoufflé pour des efforts habituels et présente des œdèmes des membres inférieurs. Toujours au niveau cardiaque, l’infarctus du myocarde appelée crise cardiaque est fréquemment rencontrée. Une ou plusieurs artères du cœur se bouchent et une partie du muscle cardiaque meurt, sans compter le fait que le malade peut faire une mort subite.

Au niveau oculaire, il peut avoir une rétinopathie hypertensive conduisant même à une cécité.

 

Info-Matin : quels sont les différents types d’hypertension artérielle ?

 

Pr Ilo Bella DIALL :

Le premier type, c’est l’hypertension artérielle dite essentielle ou primitive qui n’a pas de cause évidente.

L’hérédité est forte et les facteurs de risque cardio vasculaire comme le stress, la sédentarité, le tabagisme, l’alcoolisme, la consommation abusive de sel etc… sont très présents.

Le deuxième type, est l’hypertension artérielle secondaire. Cette hypertension artérielle est secondaire à une maladie rénale, à un problème endocrinien.

Elle peut être secondaire à l’apnée du sommeil, à la prise de médicaments, à la grossesse…

Aussi, nous avons l’hypertension artérielle de type systolique.  Elle est généralement en rapport avec le vieillissement des artères et la rigidité de la paroi artérielle qu’on rencontre chez les personnes âgées.

Plus les gens vieillissent, plus les artères deviennent rigides. Ce type d’hypertension artérielle se caractérise par une élévation de la pression systolique.

Par exemple, le premier chiffre est supérieur à 140 millimètres de mercure, tandis que le deuxième chiffre reste inférieur à 90 millimètres de mercure.

Nous avons un autre type d’hypertension artérielle, qu’on appelle hypertension artérielle labile, là où la pression artérielle peut être élevée aujourd’hui, normale demain et basse après -demain.

Cette forme d’hypertension artérielle retarde très souvent le diagnostic et la prise en charge du patient si le praticien n’est pas vigilant et ne fait pas recours à d’autres techniques qui lui permettent de poser le diagnostic.

Ensuite, nous avons une forme d’hypertension artérielle dite sévère. Ici les chiffres tensionnels sont très élevés et le malade bien souvent se retrouve avec 180 voire 200 millimètres de mercure en systole.

Le deuxième chiffre diastolique pouvant être 100 ou 120 millimètres de mercure.

Ce type d’hypertension s’accompagne généralement d’une atteinte des organes cibles comme le rein, les yeux, le cœur et le cerveau.

Donc, l’hypertension artérielle sévère est très souvent source de complications.

A cela s’ajoute une forme d’hypertension artérielle dite masquée. Au cours de ce type, la tension artérielle est toujours normale en consultation de routine, alors qu’elle s’élève en d’autres lieux en dehors du cabinet de consultation.

Dans ce cas également on peut rester longtemps sans pouvoir poser le diagnostic et tout comme l’hypertension artérielle labile, il faut que le médecin soit vigilant et qu’il fasse recours à certaines techniques qui permettent de poser le diagnostic.

Enfin, il y a un type d’hypertension artérielle qu’on appelle Blouse-blanche faisant allusion à la blouse du médecin.

La tension monte en présence du médecin et est normale à la maison ou lorsqu’elle est prise par le malade lui-même (auto mesure), ou par quelqu’un de plus rassurant.

Pour tous ces cas, on fait généralement recours à l’HOLTER TENSIONNEL qui est un appareil de mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) qui enregistre les chiffres tensionnels pendant vingt-quatre heures. Cela permet de dire que le malade a une hypertension artérielle systolique, masquée, blouse-blanche, sévère, ou normale.

 

Info-Matin : peut-on guérir de l’hypertension artérielle ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : On ne guérit jamais de l’hypertension artérielle. Tout celui qui vous dit qu’il soigne votre hypertension artérielle pour vous guérir, vous vend un rêve. Qu’il soit un médecin ou un charlatan. On ne guérit j’aimais de cette maladie.

L’objectif du traitement, c’est de ramener les chiffres tensionnels dans une fourchette de normalité et d’épargner au malade la survenue précoce de complications, en retardant leur apparition le plus longtemps que possible dans le temps, et ceci en lui donnant un bon traitement et de bons conseils.

L’hypertension artérielle, quoi que l’on fasse, est une maladie qui évolue vers une insuffisance rénale, cardiaque ou un AVC. Donc, c’est dire qu’un patient souffrant d’une hypertension artérielle, devant mourir de mort naturelle, si Dieu lui prête longue vie, mourra toujours dans un tableau soit d’insuffisance rénale, ou d’insuffisance cardiaque ou dans un tableau d’AVC. Toutefois, la science peut faire en sorte qu’au lieu d’être victime d’un AVC à 40 ans, qu’on le soit à 70 ans, ou au lieu de développer une insuffisance rénale à 50 ans, qu’on la développe à 75 ans si l’espérance de vie permet d’atteindre ces âges.

 

Info-Matin : pouvez-vous nous donner une estimation au CHU du Point G par rapport à cette maladie ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : Nous avons conduit plusieurs études sur l’hypertension artérielle au CHU du Point G.

Lorsqu’on fait un recoupement de toutes ces études, les plus récentes, qui datent de 2023, parlent d’une prévalence hospitalière de 34 à 35%. Ceci concerne seulement les malades qui viennent dans le service de cardiologie. Les études consistaient à voir parmi eux, combien consultaient pour une hypertension artérielle. Nous nous sommes rendus compte que sur 100 patients, environ 35 venaient pour cette raison. On dit vraiment que c’est significatif malgré que cela ne soit qu’une statistique hospitalière. C’est un échantillon qui n’est pas très représentatif au niveau national, mais il faut admettre que c’est beaucoup.

 

Info-Matin : comment se fait la prise en charge de ces patients ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : la prise en charge de l’hypertension artérielle se fait dans le service de cardiologie. Nous avons actuellement beaucoup de médecins spécialistes. Nous avons des cardiologues et beaucoup d’étudiants en cardiologie. Aujourd’hui en dehors du service de cardiologie, la prise en charge va au-delà même des cardiologues, elle tombe dans le domaine du généraliste qui a été formé pour la prise en charge de cette pathologie.

Nous avons des services des urgences, de réanimation, de médecine interne, de néphrologie et de neurologie dans nos hôpitaux.

Les hypertendus sont pris en charge dans tous ces services, d’une manière générale par les médecins.

Chacun fait ce qu’il peut et quitte à chacun de savoir quelles sont ses limites et à quel moment il faut référer au cardiologue qui est le mieux outillé en termes de diagnostic, d’examens complémentaires à réaliser et de prescription d’un certain nombre de médicaments.

Donc, la prise en charge de l’hypertension artérielle, commence lorsqu’on pose le diagnostic. Il y a tout d’abord des conseils pratiques qu’il faut donner au malade et en fonction de son statut, de ses facteurs de risques cardiovasculaires, ses chiffres tentionnels, le médecin ordonne quel type de médicament lui prescrire. Pour cela, il existe tout un arsenal de classe pharmaceutique.

Ensuite, le malade est mis dans un chronogramme de suivi en fonction de son état.

 

Info-Matin : Quels conseils donnez-vous aux victimes de l’hypertension et à la population ?

 

Pr Ilo Bella DIALL : Tout d’abord, j’invite la population à se faire dépister. Il faut que chacun puisse connaître son statut, parce qu’il y a des formes silencieuses d’hypertension artérielle qui ne présentent aucun signe.  Généralement lorsque les signes tels que des maux de têtes, des bourdonnements dans les oreilles, des vertiges, des palpitations, des fourmillements…existent, on va voir un médecin. Mais lorsqu’il n’y a aucun signe on n’est pas tenté de le faire, alors que, lorsqu’il existe une hérédité familiale, il est nécessaire de consulter.

Donc, lors du dépistage si on n’est pas déclaré hypertendu, on reçoit des conseils pratiques. Il s’agira d’éviter un certain nombre de facteurs de risques comme le tabac, l’alcool, la sédentarité, l’obésité, la consommation abusive de sel, le stress, le diabète…

Un régime alimentaire, et un mode de vie seront proposés et cela permettra de vivre longtemps sans être hypertendu.

Dans le cas contraire, si une hypertension artérielle est retrouvée, une prise en charge sera proposée par un médecin qui définira les médicaments qu’il faudrait prendre, tout en respectant les mesures qui contribuent à lutter contre les facteurs de risques.

 

Réalisée par Saba Ballo

 

 

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