Entre espoir d’une rentrée apaisée et colère syndicale, l’école malienne vacille sous le poids d’un logiciel qui devait assainir la fonction publique. À moins de deux semaines de la rentrée scolaire 2025-2026, prévue pour ce 1ᵉʳ octobre, l’école malienne ressemble à une poudrière. Au cœur des tensions : le Système Intégré de Gestion des Ressources Humaines (SIGRH), un outil administratif qui devait moderniser la gestion du personnel, mais qui s’est transformé en machine à exclure, privant des milliers d’enseignants de leurs salaires. Pour autant, il y a une semaine, le gouvernement assurait de de payer les agents «identifiés» en retard, en dépit de cette promesse le bras de fer est engagé pour une rentrée scolaire apaisée.

À Gao, déjà meurtrie par l’insécurité, la coordination des syndicats de l’éducation (SYNEFCT, SNEC, SYPESCO, COSES, SYNESEC) a sonné la révolte. Elle décrète 72 heures d’arrêt de travail du 1er au 3 octobre. Les griefs sont clairs : dysfonctionnements persistants du SIGRH, suspensions de salaires en zone rouge, absence de réponses aux multiples interpellations. « On ne peut pas demander aux enseignants de continuer à servir dans le vide, sans salaire, sans sécurité », martèle un délégué.
À Koulikoro, ce sont plusieurs syndicats qui brandissent la menace d’un boycott pur et simple de la rentrée. Ici, les enseignants dénoncent les conséquences directes du rapport du SIGRH : des collègues radiés sans explication, d’autres privés de paie malgré leur présence effective dans les salles de classe. Un climat d’injustice qui nourrit l’amertume.
À Kayes, les syndicats signataires de l’accord du 15 octobre 2016 refusent d’avaler la pilule de la stigmatisation. Le gouvernement y a décelé des « agents fictifs », mais pour les syndicats, il s’agit d’une chasse aux sorcières mal conduite. Même si le SIGRH n’est pas explicitement cité, la main de ce logiciel est bien derrière cette traque administrative. « On ne confond pas erreurs de saisie et fraude », clame un responsable syndical.
Dans la région de Sikasso, la Synergie régionale et le SNEC ont déjà déposé un préavis de grève de 48 heures, du 1ᵉʳ au 2 octobre. Ici encore, les revendications font écho au malaise national : mutations mal gérées, rappels non payés, et surtout, la machine SIGRH qui multiplie blocages et erreurs.
Comme si cela ne suffisait pas, les syndicats de l’éducation affiliés à la CSTM (SYNEM, SYLDEF, SEEPC, SYNTEC, SYN-PDL, FENAREC, SYNACOP-AEM, SYNTES) sont montés au créneau. Leur préavis de grève de 72 heures (8 au 10 octobre), suivi d’une possible grève de 120 heures à partir du 13 octobre, est un avertissement sévère. Ils dénoncent le silence du gouvernement, exigent le paiement intégral des arriérés, la régularisation de l’Assurance maladie obligatoire, des allocations familiales et le respect des engagements sur la masse salariale. Leur mot d’ordre : sauver la carrière de centaines d’enseignants et préserver la stabilité du système éducatif.

Le paradoxe est cruel : un outil conçu pour assainir et fiabiliser la gestion du personnel a fini par fragiliser un pilier essentiel de l’État : l’école. Au lieu de clarifier, le SIGRH a semé la confusion. Au lieu de sécuriser, il a jeté des enseignants dans la précarité. Dans un Mali en quête de stabilité, c’est une bombe sociale qui menace d’exploser.
Face à la grogne, le ministère de la Refondation de l’État a annoncé de nouvelles dispositions pour apaiser les tensions sociales liées à la mise en œuvre du Système intégré de Gestion des Ressources humaines (SIGRH). Dans une correspondance adressée le 26 septembre au ministre de l’Éducation nationale, le ministre Bakary TRAORE a demandé aux structures compétentes de garantir le paiement des enseignants disposant d’un récépissé de contrôle physique.
« J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir inviter les Directeurs des Académies d’Enseignement, en rapport avec les Directeurs régionaux du Budget de leurs ressorts respectifs, à prendre les dispositions nécessaires pour le paiement des salaires de l’ensemble des enseignants disposant du récépissé de contrôle physique », précise le communiqué.
Quelques jours plus tôt, accompagné du ministre du Travail, le ministre Bakary TRAORE avait rencontré des responsables de syndicats les assurant que les fonctionnaires disposant de récépissé d’enrôlement dont les salaires ont été suspendus seront payés, mais en retard.
A l’issue de cette rencontre tenue le jeudi 18 septembre, le ministre TRAORE a indiqué que les agents qui ont « un reçu de la part de l’État qui atteste qu’ils existent, qu’ils sont identifiés, ça va de soi qu’on leur paye leur salaire du mois de septembre. Ils seront payés. C’est la décision qui a été prise après concertation avec les plus hautes autorités. »
Le ministre a toutefois précisé que le paie¬ment pourrait connaître un léger décalage : «Ils auront leur salaire peut-être avec un léger retard par rapport aux autres dont les salaires ont déjà été engagés. »

Selon lui, la situation des agents enrôlés, mais mal identifiés, ne saurait être confon-due avec celle des « fictifs ». Ainsi, il a pré¬cisé que parmi les 122 000, il se trouve qu’il y a à peu près « 6 000 agents qui ont été identifiés et qui ont leur reçu, mais dont l’identification n’a pas été bien faite, n’a pas été validée ». En clair, malgré leur enrôlement, ils figurent dans la liste des agents fictifs.
Pour sa part, le ministre Fassoum COU¬LIBALY avait ajouté que le paiement des sa-laires aux 6 000 agents concernés n’est pas une carte blanche qui leur est donnée puisque, explique-t-il, ils ont l’obligation de se faire enrôler dans le délai de grâce de trois mois.
« Maintenant, s’agissant des 36 000, leur salaire ne sera pas payé en septembre. Ils ont l’obligation aussi de se faire enrôler dans le délai de grâce », a insisté le mi-nistre COULIBALY.
Le gouvernement est désormais face à ses responsabilités. Face à la levée de boucliers, que doit faire l’État ? Pour éviter un fiasco scolaire, à notre humble avis, le gouvernement se doit de : régulariser en urgence les salaires suspendus, quitte à mettre en place un mécanisme provisoire le temps d’assainir les bases du SIGRH ; dialoguer immédiatement avec les syndicats régionaux et nationaux, dans une logique de compromis rapide ; garantir la transparence des listes SIGRH pour rétablir la confiance, apaiser : en sécurisant les enseignants en zones à risque et en respectant ses engagements sociaux.

PAR SIKOU BAH

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