Le mardi 19 août 2025, la chambre d’instruction de la Cour suprême a placé Choguel Kokalla Maïga sous mandat de dépôt pour des faits liés à l’atteinte aux biens publics, avec des qualifications pénales évoquées (faux et usage de faux, blanchiment, complicités), à la suite d’investigations déclenchées par des constats du Bureau du Vérificateur général (BVG). L’information a été confirmée par des médias internationaux et locaux et relayée par son avocat.
Les poursuites visent un ex-chef du gouvernement devenu critique, juste après la neutralisation des partis et l’allongement du mandat de la transition. La concomitance de l’affaire Choguel, de la détention Mara et du verrouillage du pluralisme fait naître un doute sérieux d’instrumentalisation de la justice à des fins de dissuasion. Plusieurs observateurs pointent un ciblage de la période Choguel, des périmètres discutables (ex. imputations antérieures à sa nomination ou occultation d’intérims). Si ces griefs s’avéraient, ils fragiliseraient la robustesse probatoire et ouvriraient la voie à la défense sur la partialité de la vérification.
Après la dissolution des partis (13 mai 2025) et la prolongation du mandat (3 juillet 2025), l’arrestation d’opposants de fait (Mara) puis le mandat de dépôt de Choguel envoient un signal de “tolérance zéro”, non pour la corruption, mais pour les voix dissonantes. Effet dissuasif recherché (et souvent obtenu) : auto-censure des cadres, démobilisation des réseaux politiques, retrait des notables. À court terme, cela stabilise l’exécutif ; à moyen terme, cela accroît le coût politique d’un futur retour à une compétition électorale authentique. (Lecture analytique appuyée sur le contexte cité.)
Risque de boomerang : si la procédure apparaît biaisée (sélective, irrégulière, médicalement risquée pour un prévenu ayant des antécédents d’AVC), le capital de légitimité de l’exécutif pourrait s’éroder, au Mali comme à l’extérieur.
Ces arrestations successives de personnalités politiques influentes peuvent être perçues comme une stratégie de répression des voix dissidentes, contribuant à une atmosphère de climat autoritaire. Le recours à des accusations floues comme « atteinte au crédit de l’État » illustre un usage opportuniste de la justice. En restreignant les libertés d’expression et de mouvement, en particulier pour des leaders politiques, les autorités mettent en péril un climat de confiance nationale nécessaire pour une transition réussie.
La transition repose déjà sur une légitimité fragile : prolongée au-delà du calendrier initial, contestée par une partie de la population, et dépendante de la force militaire. En emprisonnant des figures politiques de premier plan, les autorités affaiblissent la possibilité d’un dialogue national inclusif. Cela peut nourrir des tensions sociales, voire des mobilisations clandestines. Le risque est celui d’un blocage institutionnel : une transition qui ne prépare plus la réconciliation ni l’ouverture politique, mais la conservation du pouvoir.
Des personnalités comme Mara et Choguel ne sont pas de simples leaders : ce sont des symboles de pluralisme et d’alternative politique. Leur mise au frais pourrait inciter l’opposition à se structurer dans l’ombre, dans une logique de résistance plutôt que de coopération. Cela peut créer une spirale de méfiance entre le pouvoir militaire et la classe politique civile, rendant quasi impossible la tenue d’élections crédibles.
Le discours officiel de la transition s’est appuyé sur la rupture avec la « vieille classe politique », mais en ciblant sélectivement certains leaders, les autorités créent une perception de justice instrumentalisée. La transition risque donc d’apparaître comme arbitraire et répressive, ce qui mine son acceptabilité auprès de larges segments de la société, notamment ceux qui espéraient un renouveau démocratique.

PAR EL HADJ SAMBI TOURE

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