Après 5 jours de folles rumeurs persistantes de tentatives de coup d’Etat, les autorités de la transition du Mali n’ont toujours pas communiqué officiellement laissant les spéculations proliférer. Garder le silence sur une affaire concernant une armée en train de livrer au front une guerre résolue et déterminée contre les groupes armés terroristes procède-t-il une très bonne stratégie ?
Nous sommes de ceux qui pensent qu’un Etat ne se gère pas par la rumeur et que la République ne s’occupe pas des cancans. Toutefois, l’exception confirmant la règle, beaucoup d’observateurs estiment que s’agissant des forces de défense et de sécurité, singulièrement en temps de guerre, garder le silence ne procède pas d’une très bonne stratégie à long terme, bien que cela puisse avoir des justifications tactiques à court terme.
En effet, dans un contexte de guerre contre les terroristes, une communication précipitée pourrait révéler des faiblesses internes à l’armée, ce qui profiterait aux ennemis. L’armée malienne est déjà engagée sur plusieurs fronts, et admettre publiquement des divisions pourrait miner le moral des troupes ou encourager des attaques opportunistes.
Le silence tactique éviterait de donner de la légitimité aux rumeurs infondées. Si le complot est perçu comme mineur ou orchestré de toutes pièces (comme nous le pensons), en parler pourrait amplifier la panique publique ou internationale, affaiblissant la position de nos autorités de la transition face à des adversaires et ennemis extérieurs hostiles.
Mais le vide informationnel pourrait favoriser la propagation de rumeurs folles comme on le voit ces jours-ci, toutes choses qui pourrait éroder la confiance du public et des forces armées. Dans la situation particulière de notre pays, cela pourrait renforcer les perceptions d’instabilité et de divisions au sommet de l’Etat, alors qu’il n’en est rien. Cela pourrait laisser aussi le champ libre à des narratifs extérieurs portés par des puissants relais médiatiques et d’activistes sur les réseaux sociaux qui commentent des faits dans la pure spéculation comme un signe de faiblesse.
Aussi, sans réponse officielle progressive, les autorités de la transition pourraient perdre le contrôle du récit, avec tous les risques qui s’y rattachent. Pour cause ? Sur le plan stratégique, en pleine lutte antiterroriste, un silence prolongé risque d’avoir des impacts sur les hommes au front qui ne sont pas couper des réalités que vit le pays et des informations qui circulent.
Le risque majeur du silence prolongé est un vide informationnel propice à un terrain fertile pour les rumeurs, la désinformation et la panique au sein de la population. Cela pourrait impacter la légitimité de la transition car l’absence d’explication crédible pourrait renforcer l’idée d’opacité et détériorer le soutien populaire et la confiance des forces elles-mêmes. Le risque majeur est l’escalade que les rumeurs non contrôlées pourraient pousser d’autres unités à agir « pour protéger » l’ordre, augmentant le danger d’affrontements.
En somme, bien que le silence puisse être une tactique défensive immédiate pour éviter de «nourrir le troll» des rumeurs, il n’est pas durable. Il pourrait aggraver la spéculation et l’agitation plutôt que de les contenir, surtout dans un pays comme le nôtre où l’armée est à la fois le pilier du pouvoir et en première ligne contre le terrorisme.
C’est pourquoi, pour notre faiblesse d’esprit, nous pensons que les autorités de la transition pourraient difficilement faire l’économie d’une communication officielle rapide et maitrisée pour confirmer ou infirmer les faits objets aujourd’hui de toutes sortes d’extrapolation.
Au même moment les autorités de la transition se devraient de prioriser la transparence sélective en partageant des informations limitées sur les progrès des FAMa contre les groupes armés terroristes pour contrebalancer les rumeurs et en mettant l’accent sur l’unité de l’armée et les succès au front, afin de rediriger l’attention vers l’ennemi commun (groupes terroristes). Il s’agit d’éviter précautionneusement les détails qui pourraient compromettre la sécurité en montrant que la transition reste stable.
L’objectif in fine est de renforcer la cohésion interne à travers l’organisation des briefings internes pour les troupes. Il s’agira d’insister sur la loyauté tout en évitant les purges perçues comme arbitraires. Cela pourrait inclure des promotions ou des mesures de soutien pour le moral des soldats au front.
Les autorités de la transition pourraient aussi engager leurs alliés dans le cadre de l’Alliance des États du Sahel (AES), pour un front uni contre les déstabilisations en démentant collectivement les «provocations médiatiques». Toutes choses qui pourraient renforcer la légitimité régionale de la Confédération.
En fin de compte, la clé du succès des autorités de la transition est l’équilibre entre sécurité et confiance publique. Un silence total risquerait de transformer des rumeurs en réalité perçue, alors qu’une réponse ferme et unie pourrait consolider le régime.
El Hadj Sambi TOURÉ