Décidément, la spéculation foncière a atteint des proportions inimaginables dans notre pays. Après avoir jeté leur dévolu sur les espaces publics servant à abriter les édifices publics comme les écoles ; les centres de santé ; les marchés ; les lieux de culte ; les espaces verts ; c’est maintenant le tour des cimetières. Qui aurait cru que des spéculateurs fonciers pouvaient avoir le courage de demander à déguerpir un cimetière où des milliers de corps sont enterrés ? Cette situation qui dépasse l’entendement se passe actuellement au cimetière de Niamana où une tierce personne demande d’exhumer les cadavres. Les notabilités et les jeunes du quartier sont mobilisés pour empêcher cette forfaiture qui se trame autour dudit site.
Très remontés face à cette situation, le chef du village, des imams, des responsables de la Ligue des imams et érudits (LIMAMA), des jeunes et des femmes de Niamana sont sortis massivement, la semaine passée, pour exprimer leur colère et leur indignation. Ce regroupement qui a eu lieu dans l’enceinte du cimetière, a été l’occasion d’interpeller les autorités et de mettre en garde les spéculateurs et leurs complices.
Selon les explications des notabilités, le cimetière de Niamana couvre une superficie de 9,5 ha. Dans cet espace où une grande partie est clôturée, sont enterrés des milliers de cadavres. C’est avec une grande stupéfaction que la population a appris qu’une tierce personne réclame la propriété dudit site.
Muni d’une décision de justice, ce dernier a sommé les habitants d’exhumer les morts et démolir les murs de clôture.
Selon les explications du chef de quartier de Niamana, l’espace qui sert aujourd’hui de cimetière a été prévu dans le plan de lotissement. Il a expliqué que le cimetière est presque rempli et que c’est incroyable que quelqu’un débarque avec une décision de justice pour ordonner d’exhumer les corps afin qu’il procède au morcellement.
« On nous demande de faire dégager les tombeaux, casser le mur de clôture et payer plus de 20 millions de FCFA. Le cimetière ne sera amputé d’un centimètre carré. La population est catégorique, personne ne va morceler notre cimetière. Pour le faire, il faudra d’abord marcher sur nos cadavres », a lancé le chef de quartier de Niamana.
C’est dire que la spéculation foncière a atteint son paroxysme dans notre pays. Après avoir spolié plusieurs espaces publics dans nos quartiers, ce sont les cimetières qui sont désormais dans le viseur des spéculateurs.
Au Mali, c’est inutile de rappeler que des spéculateurs fonciers, en complicité avec certains agents des collectivités territoriales et des services publics intervenant dans le foncier, sont parvenus à s’accaparer des espaces publics dans plusieurs quartiers à Bamako et dans d’autres grandes villes du pays.
Pire encore, dans certaines localités, ils ont dépossédé des villageois de leurs champs de culture, leur seule ressource de survie.
En tout cas, les autorités compétentes sont interpellées à prendre ce problème à bras le corps qui constitue une bombe à retardement. Pour leurs conforts personnels dans ce monde éphémère, certains individus sans foi ni lois, n’hésitent pas à commettre des actes qui choquent la conscience collective. L’on se demande où va finalement notre pays avec ces genres de comportement de certains individus qui se croient immortels.
Si des précautions ne sont pas prises à temps pour mettre fin à ces genres de dérives, dans les années à venir, il n’y aura plus de cimetières pour enterrer les morts, si la situation reste comme telle.
PAR MODIBO KONE