Les arrestations successives de Moussa Mara (ancien Premier ministre de 2014 à 2015, arrêté le 1er août 2025) et de Choguel Kokalla Maïga (Premier ministre de la transition de 2021 à 2024, placé sous mandat de dépôt le 19 août 2025) marquent une première dans l’histoire récente du Mali, avec deux figures politiques de premier plan incarcérées en l’espace de deux semaines. Ces procédures, sur fond d’accusations de malversations financières (atteinte aux biens publics, faux et usage de faux pour Maïga) et potentiellement d’autres charges pour Mara, sont largement perçues par le Malien lambda comme un durcissement de la transition à l’égard des politiciens, surtout ceux qui ne s’expriment pas en sa faveur. Même si les partisans de la transition et une partie des Maliens applaudissent des deux mains.

Ces arrestations de leaders politiques pourraient renforcer la consolidation de la transition par la neutralisation des voix civiles critiques, y compris celles qui ont joué un rôle clé dans la transition. L’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, initialement allié des militaires au pouvoir, avait critiqué publiquement les retards dans l’organisation des élections (promises pour mars 2024, mais repoussées indéfiniment) et accusé ceux-ci de «confisquer» la transition. Moussa Mara, leader d’opposition et candidat potentiel à la présidentielle, représente une alternative civile influente. Son crime a été de rendre visite à des détenus et de faire le compte rendu sur les réseaux sociaux. Leur incarcération est interprétée par nombre de Maliens comme une manœuvre pour éliminer les concurrents potentiels et verrouiller le processus politique, avec des mesures complémentaires comme la dissolution des partis en avril 2024.
Ces enfermements accentuent la fracture entre les militaires et les civils, avec une perception croissante d’une transition devenue une «fin en soi» plutôt qu’un retour vers la normalité constitutionnelle et démocratique. C’est donc avec raison que les observateurs font le parallèle avec la situation dans les autres pays de l’AES, où des arrestations similaires ont servi à resserrer l’emprise des militaires. En criminalisant l’opposition, le Mali risque de prolonger indéfiniment la période transitoire, sapant les engagements internationaux et nationaux pour des élections libres, avancent les observateurs.
Sur le plan social, ces arrestations contribuent à une atmosphère de peur et de restriction des libertés, avec des appels à la libération pour préserver le débat public. Beaucoup de Maliens regrettent que cela accentue la «restriction de la liberté d’expression». Cela pourrait exacerber les tensions dans une société déjà fragilisée par les conflits armés au nord et au centre du pays.
Les conséquences pourraient être un risque de tensions et manifestations : les arrestations d’opposants comme Maïga, Mara et d’autres (tels que Rasta, Kaou Djim) sont vues comme une tendance à «criminaliser l’opposition», potentiellement déclenchant des frustrations, surtout si elles sont perçues comme motivées politiquement plutôt que judiciaires. En ciblant des leaders influents, le régime pourrait alimenter le mécontentement général, avec des commentaires publics qualifiant les charges de «burlesques» et appelant à un changement pour éviter une instabilité plus large.
La «terreur contre les voix discordantes» comporte des risques majeurs pour l’apaisement et la stabilité dans notre pays. Car en réprimant les critiques, la transition pourrait, d’une part, favoriser la radicalisation. Au lieu de dialoguer, ces arrestations pourraient pousser les opposants vers des positions plus extrêmes, accentuant les divisions internes et testant l’unité militaire elle-même. D’autre part, elle pourrait entraver l’apaisement : des appels à libérer les détenus pour «permettre des débats d’arguments» soulignent que la répression ferme la porte au consensus nécessaire pour une transition pacifique, risquant une escalade si le régime perd en légitimité.
Ces arrestations pourraient consolider le pouvoir militaire à court terme, mais fragiliser la transition à long terme, en favorisant l’instabilité et en éloignant toute perspective de retour à un ordre constitutionnel inclusif.

EL HADJ SAMBI TOURÉ

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