Si dans notre pays, on n’est en général d’accord sur rien, les délestages de l’EDM cette année semblent converger tous les Maliens sur l’impératif d’un renouveau en ce qui concerne notre secteur énergétique. En effet, la frustration générée par les coupures sauvages qui plombent l’activité commerciale, perturbent les ménages et donnent à la capitale l’image d’une ville fantôme transcende les clivages et les divergences et crée une atmosphère d’unanimité, surtout de colère. 60 ans après notre indépendance, nous ne pouvons pas rester dans un si sous-développement énergétique qui nous fait non seulement dépendre de notre voisin peu moins accommodant avec nous, et qui nous obstrue l’horizon de la souveraineté énergétique. Pour donner des réponses et des apaisements aux Maliens, la ministre de l’Energie et de l’eau, a été envoyée ce dimanche soir au charbon.
Selon elle, l’EDM est un océan de vol et de magouille, une insolente mafia de gasoil qui détourne 54 citernes de leurs destinations en 4 jours à Bamako, un havre de clientélisme et de népotisme où plus de 3000 agents payés à ne rien faire que voler plus de 2 milliards par mois, où l’on se livre à satiété à de tonitruantes surfacturations sur le dos de l’Etat et à la livraison de groupes contrefaits au Nigéria… Le scandale dépasse les 600 milliards par an dans un pays où l’Etat a subventionné rien que l’année EDM à plus de 250 milliards FCFA.
Ce ne sont pas seulement des têtes qui vont tomber et des voleurs envoyés en prison, c’est un véritable plan Marshall de redressement que préconise Mme Bintou Camara qui passera nécessairement par la conduite jusqu’au bout des investigations et un ‘‘nettoyage’’ au propre de la société. Voici les grandes lignes du scandale de l’EDM, selon la version du ministre de l’énergie et de l’eau, Mme Bintou Camara, en attendant la version du syndicat de l’EDM qui annonce une assemblée générale le samedi prochain.

Audit sans complaisance
Désignée à la tête du département de l’Energie et de l’eau, en pleine crise énergétique, Mme Bintou Camara était sur l’ORTM ce mardi 24 octobre pour évoquer cette situation qui attise la colère de la population. Celle-ci en fonction de sa zone de résidence ou de travail peut passer la journée entière sans l’électricité. Pour reprendre l’ironie de certains internautes, les Maliens ont demandé l’électricité, l’EDM leur a vendu de l’obscurité.
Dans un langage sans tabou et à bâton rompu, la ministre a, sans détour, étalé les faiblesses et les manquements de l’EDM qui sont à l’origine du calvaire de la population. Si certaines de ces pratiques sont dues aux vétustés des machines, d’autres sont orchestrées pour vol, entre autres. Sans ces situations, elle a affirmé que l’état des lieux, si toutes les capacités sont mises en marche, il n’y aurait pas cette situation.
Le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, et son Premier ministre, le Dr Choguel Kokalla Maïga, doivent remercier le Ciel d’avoir eu la main heureuse avec le choix de Mme Bintou Camara au département de l’Energie et de l’eau. Car, en plus d’être compétente et de maitriser son dossier, elle dégage une éloquence et une élégance rarissime dans les hautes sphères de l’Etat par ces temps qui courent.
Elle veut nettoyer les écuries d’Augias, il faut l’aider. Les Maliens dans une grande proportion de ceux dont nous avons requis hier l’avis à Bamako et les échos que nous avons eu de son entretien sur l’ORTM, sont disposés à l’aider. Reste la volonté politique pour sortir de ce scandale appelé EDM-SA, une société dans laquelle l’Etat engloutit plus d’une centaine de milliards par an qui est incapable de faire face à la demande de la seule ville de Bamako.

Au regard de cette frustration et de cette colère, le gouvernement a décidé d’envoyer au front énergétique son arme secrète, plus qu’un soldat des forces spéciales, elle est experte comptable et auditrice de son état, Mme Bintou Camara, le ministre de l’Énergie et de l’Eau.
Sur le plateau de l’ORTM, ce mardi 25 octobre, c’est sans complexe et sans état d’âme qu’elle a révélé le scandale, la magouille, le vol, le braquage à ciel ouvert contre l’Etat qui se chiffre à plus de six cent (600) milliards par an à EDM sa. Un scandale qui éclabousse l’incapacité de la Direction à instaurer une gouvernance vertueuse et une exploitation rationnelle des infrastructures, des fonctions et des agents corrompus jusqu’à la moelle (qui bénéficient pourtant de généreuses exonérations de l’Etat sur leur consommation, qu’ils revendent par ailleurs), des opérateurs économiques et fournisseurs mafieux qui carottent des centaines de milliards à l’Etat par an, des chauffeurs trempés dans le business du gazoil… Plus que des révélations, Mme Bintou Camara a fait des dénonciations et des accusations claires et précises qui ne laissent aucun doutent sur la responsabilité pénale et morale des uns et des autres, en attendant que la justice fasse son travail. Car elle a promis d’aller jusqu’au bout. Sans point verser dans le populisme sur le plateau de l’Invité de la semaine de notre confrère de l’ORTM, Mme Bintou Camara a demandé aux consommateurs excédés de lui accorder un peu de temps pour pouvoir nettoyer la merde de l’EDM.
Mauvaise gouvernance
Car après avoir identifié les raisons fondamentales des coupures d’électricité qui sont la mauvaise gestion et le vol notamment du carburant, il faut procéder au redressement, à la chirurgie sans anesthésie comme le dirait Thomas Sankara pour aller sur de nouvelles bases afin de ne plus décevoir les attentes légitimes de la clientèle de l’EDM à laquelle elle a, à l’entame de ses propos, demandé pardon.
Outrele récurent problème de gestion du personnel, du recouvrement des factures, de la production d’électricité, du choix du carburant (gasoil au lieu du fuel), de la mafia autour de l’approvisionnement des centrales, Mme Bintou Camara pointe du doigt la mauvaise gestion et le manque de rigueur. D’où un plan de redressement draconien. Car on ne peut pas comprendre comment une société d’Etat peut employer le mari et sa femme, le grand-père, le père et le petit-fils ? EDM est une société détenue par l’Etat à 100%, elle ne peut être une entreprise familiale gérée selon les règles du copinage et du clientélisme, et surtout du vol organisé, a-t-elle dénoncé.
Selon Mme Bintou Camara, l’EDM compte à peu près 3000 agents recrutés de façon anarchique sans aucune référence aux qualifications ni aux besoins de la société avec une masse salariale de plus de 2 milliards FCFA par mois.
Comme d’autres grandes entreprises de l’Etat, l’EDM une société d’état, a toujours été la vache laitière et le dépotoir des rejetons. Un de ses goulots d’étranglement a toujours été, outre le vol de carburant à la Une de l’actualité aussi le recrutement des ressources humaines non viables et non nécessaires à son fonctionnement. Or autant la mafia du gasoil doit être dénoncée et démantelée, autant les recrutements familiaux et syndicaux doivent cesser pour sortir l’EDM de l’ornière. Elle a promis le nettoyage, elle en a la volonté. Espérons qu’on ne mette pas les battons dans ses roues et les affaires continuent de prospérer toujours à EDM.
La Mafia du gasoil
Pour illustrer son propos, elle avance le choix par l’EDM du gazoil au détriment du fuel, moins cher et plus rentable en termes de consommation, bien que les deux plus grandes centrales, à Siracoro et Balingué fonctionnent à partir de ce produit. Pour cause ? Le fuel n’est utilisé que par les centrales de l’EDM, donc on ne peut pas faire du business contrairement au gasoil qui est utilisé par la plupart des véhicules et vendu dans toutes les stations. Avec le gasoil, «il y a à boire et à manger » dit-elle. On voit comment et pourquoi il y a des ruptures de carburant qui sont provoquées par des agents de l’EDM eux-mêmes, souligne-t-elle.
Selon Mme le ministre Bintou Camara, un contrôle sur les fournitures de citernes qui arrivent à Balingué pour la centralisation et le dispatching a mis au grand jour que des camions chargés de dispatching disparaissent entre la centrale de Balingué et les centrales de destination : «sur quatre jours, nous avons constaté que 54 citernes ont disparu entre Balingué et les différentes centrales de Bamako. Ces carburants sont souvent revendus dans les stations en place, ou revendus moins cher à des industries. Des chauffeurs et des agents de l’EDM sont complices de ces vols de carburant ». Un réseau composé de fonctionnaires et d’agents d’EDM est démasqué par le contrôle entrepris par les autorités de la transition, a-t-elle révélé.

Selon Mme le ministre Bintou Camara, ‘’sur quatre jours, nous avons constaté que 59 citernes ont disparu entre Balingué et les différentes centrales de Bamako. Ces carburants sont souvent revendus dans les stations en place, ou revendus moins cher à des industries. Des chauffeurs et des agents de l’EDM sont complices de ces vols de carburant’’.
Selon elle, le vol ne se limite pas au carburant en tant que tel, il y a également vol au niveau de la facturation de EDM, en affirmant « Quand un fournisseur livre un camion de 45 000 litres, l’EDM délivre un récépissé de réception, signé par les agents d’EDM et par le chauffeur. L’EDM établit à cet effet une facture afférente à ce récépissé. Mais on a constaté qu’au lieu d’une seule, l’EDM a souvent délivré deux à trois factures liées à un même récépissé, et toutes ces factures sont payées au fournisseur.

Ce dimanche, une opération coup de poing de la ministre au niveau des centrales a été provoquée par un fait rocambolesque. Un fournisseur a livré 17 citernes dont on n’a pas vu aucune trace sur les documents. Il fallait tirer cette affaire au clair.
Sur la base des informations données par Mme le ministre, on peut essayer d’établir une hypothèse. Si en 4 jours on a perdu 59 citernes, par mois, on peut en perdre 4 fois par mois. Hypothèse planchée. On sait par ailleurs que chaque citerne peut contenir 40.000 litres. Donc il faut le multiplier par le prix du gazoil actuellement à la pompe. En un seul mois, le Mali perd plus de 5 milliards FCFA et plus de 60 milliards FCFA par an au titre seulement de vol de carburant. En hypothèse plafond, c’est plus de 100 milliards par an. C’est un crime odieux, inhumain et démoniaque contre un pays comme le Mali. C’est inadmissible.
Le secteur énergétique n’est pas le seul concerné, il faut qu’on ait le courage d’auditer tous les secteurs stratégiques (éducatif, santé, agriculture, administration, Commerce…). Le Mali est poignardé dans le dos par certains de ses fils.
Surfacturation
Selon la chef du département de l’Energie, il y a également vol au niveau de la facturation de EDM. Sur le plateau de l’ORTM, elle explique que quand un fournisseur livre un camion de 45 000 litres, l’EDM délivre un récépissé de réception, signé par le chauffeur et par les agents d’EDM qui établissent une facture jointe à ce récépissé. Mais après contrôle, la ministre révèle qu’au lieu d’une seule facture, l’EDM a souvent délivré deux à trois factures liées à un même récépissé, et toutes ces factures ont été payées au fournisseur. Toute chose qui constitue un paiement à l’indue par traite ou par virement dans le compte du fournisseur de ces factures. Elle précise : « sur la facturation d’un seul fournisseur en l’espace de deux mois seulement, qu’il y a 1 milliard 600 de facturation supplémentaire. Sur un deuxième fournisseur, uniquement sur l’année 2022, nous avons constaté 52 factures supplémentaires pour un montant de 18 milliards surfacturés ». Or, ce contrôle n’a concerné que deux fournisseurs de l’EDM qui compte plus de 800 fournisseurs auxquels il doit plus de 600 milliards, sans compter les fournisseurs étrangers dont les plus gros sont ceux de carburant et d’électricité, comme Albatros, Compagnie ivoirienne, ou la SOGEM.

Les révélations de la dame ne doivent pas rester sans conséquence juridique pour les responsables : 600 milliards de FCFA détournés par des fonctionnaires et des fournisseurs de l’EDM.
La ministre a annoncé que des enquêtes sont en cours pour identifier les responsables et les traduire en justice. Elle a également indiqué que des mesures seront prises pour améliorer la gestion de l’EDM.

Vers des arrestations en masse
La ministre n’a évoqué que la partie visible de l’iceberg. Elle n’a pas voulu tout révéler sur le plateau de ORTM, notamment sur les conditions d’attributions des marchés, les enquêtes étant en cours et par pudeur de tout développer surtout les avantages offerts aux salariés de cette société, avantages sur lesquels ils volent encore.

Avec ces révélations, on voit à quel point le clientélisme, le népotisme, la corruption, le vol, la magouille et la prédation des maigres ressources de l’Etat sont érigés en système de gestion clanique et mafieuse dans notre pays qui ploie sous le poids de la dette. Comment dans un pays engagé en guerre contre le terrorisme et qui fait face à l’hostilité de la communauté internationale quant à ses choix stratégiques conformément aux attentes de sa population, une société dit au Président qu’il lui faut 27 groupes électrogènes turcs qui coûtent 6 milliards pour faire face aux délestages. Le Président consent et le ministre des Finances avec toutes les difficultés du monde débloque l’argent. On empoche gaillardement ce pactole, on se la partage et on livre des groupes faits au Nigéria qui prennent feu au test ? Comment ce monsieur qui a eu ce marché peut-il encore respirer l’air libre dehors alors qu’on court derrière Boubou Mabel Diawara pour le coffrer ?
Les dommages-intérêts que la Ministre a promis de demander à ce jongleur ne peuvent être satisfaisant pour l’esprit, et un viatique au renouveau tant souhaité dans la 4e République. Ce gars doit être soumis à la rigueur de la loi qui à cause de leur mafia des vies humaines ont été arrachées à l’affection, et il a été porté atteinte au crédit de l’Etat à travers l’EDM qui a été incapable de fournir l’électricité aux gens.

Quelle sortie de crise pour l’EDM ?
La Boîte de Pandore est ouverte et l’affaire est devant les autorités et la justice. Faudrait-il un traitement politique ou privilégie, le judiciaire sur les autres considérations ? A notre humble avis de journaliste profane, nous pensons que l’EDM ne devrait ni être liquidée ni être privatisée. On ne peut aspirer à une pleine souveraineté sans souveraineté énergétique, tout comme communicationnelle, militaire, sécuritaire, alimentaire, économique et financière. Après le nettoyage promis par Mme la ministre, l’EDM doit constituer le socle sur lequel la transparence des affaires de l’État devra se bâtir pour une refondation véritable de notre pays d’aujourd’hui et de demain.
En effet, pour tout patriote, les révélations de Mme la ministre de l’Énergie et de l’Eau sur l’EDM, loin d’être malveillantes, sont affligeantes et mettent à nu un système de vol crapuleux et mafieux à l’échelle nationale et d’une insolence insupportable.
En plus de ce laisser-aller insupportable et du diagnostic, Mme Bintou Camara émet l’espoir d’une amélioration de la situation dans les prochains jours : «Inch’Allah, dit-elle. La centrale de Sirakoro était en arrêt parce que EDM a voulu ne pas mettre du gazole sur cette centrale qui est en train d’être nettoyé et aujourd’hui (NDRL hier mercredi 25 octobre) 19 camions de fuels qui sont arrivés sur Bamako ce soir qui vont être déposés au niveau de cette Centrale. On va commencer à faire fonctionner celle-ci avec du fuel plus rentable que le gasoil.
Donc déjà à partir de demain, il y aura moins de délestage. Mais on ne peut pas dire qu’il n’y aura pas de délestage, a-t-elle promis.
« A partir de demain, il y aura une amélioration. On a trouvé des fournisseurs pour que la fourniture ne s’arrête pas. La rotation doit continuer et si cette rotation continue il n’y aura pas de problème. Mais le problème maintenant est qu’il va y avoir des contrôles sévères sur toutes les citernes de l’EDM qui vont rentrer à Bamako, depuis leur entrée jusqu’à leur dépotage au niveau de la centrale où ils sont dispatcher «, a insisté la ministre de l’Energie.

LA REDACTION

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