Après plus de 20 ans d’atermoiements et d’ajournements, les Maliens sont appelés aux urnes ce dimanche pour se prononcer sur le projet de Constitution soumis à leur approbation par le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta. Ce projet novateur issu d’un processus participatif depuis les Assises nationales de la refondation jusqu’à la Commission de validation de l’avant-projet de Constitution qui a regroupé tous les courants politiques (y compris l’Opposition à la Transition) et toutes les sensibilités nationales, fait sien les grandes lignes de convergence et de consensus des précédentes processus et prend en compte les aspirations et les attentes des Maliens quant à l’avenir politique et institutionnel de leur pays, plongé dans la crise depuis plus d’une décennie.
Conformément aux attentes et aux engagements internationaux du Mali, le nouveau projet institue le Sénat et une Cour des comptes et élague l’archaïque haute Cour de Justice tout en prévoyant des mécanismes de mise en jeu de la responsabilité du Président qui au passage peut être destitué pour haute trahison et s’il y a violation de son serment devant les deux chambres du parlement réuni en congrès (Article 55 in fine).
Si les parlementaires gardent leurs immunités, désormais nul n’est et ne sera dune examen de transparence en matière de lutte contre la corruption et la délinquance financières, constitutionnalisées au passage. Seules les poursuites contre le Président sont suspendues pendant la durée de son mandat, les ministres et députés peuvent aller en prison s’ils sont coupables… Beaucoup d’innovations, mais aussi beaucoup de frictions autour d’un projet loin d’avoir été partagé, mais dont le porteur fait la quasi-unanimité de l’opinion des Maliens d’en bas. Scrutin référendaire joué d’avance ? En tout cas, le Oui a de fortes chances de passer haut les mains. Pour au moins dix (10) raisons.
1. La réaffirmation des grands principes
Dans son adresse à la nation le 21 septembre 2022 à l’occasion de la fête nationale, le Président de la Transition a posé clairement les balises : «Notre pays est soucieux de raffermir ses relations avec tous les autres pays et de participer activement à la vie internationale. Cependant, il est important que nos partenaires comprennent que les relations avec notre État doivent être désormais fondées sur les trois principes suivants : le respect de la souveraineté du Mali ; le respect des choix stratégiques opérés par le Mali ; la défense des intérêts du peuple malien dans les prises de décisions». Si le projet n’a pas finalement donné valeur constitutionnelle à ces principes chantés désormais sur tous les toits, il réaffirme toutefois que la République est indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale.
Autrement dit, la Constitution que les Maliens vont voter ce dimanche ne proclame ni d’État islamiste (comme c’était le souhait de certains d’islamistes radicaux qui ont mis la laïcité dans leurs fourches caudines) ni d’État fédéral (comme c’était l’attente des séparatistes de la CMA qui disent que la Constitution viole l’article 6 de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ; ce que contredit la Médiation internationale).
En clair, cette Constitution si elle est adoptée, confirmera un Mali UN ET INDIVISIBLE dans lequel «aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire» (il s’agit d’une nouvelle Constitution et non d’une révision constitutionnelle) ; dans lequel «la laïcité, la forme républicaine de l’État, le nombre de mandats du Président de la République et le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision» et dans lequel le «coup d’État ou putsch (reste) un crime imprescriptible contre le peuple malien»
2. Un Mali un et indivisible
La nouvelle Constitution, si elle adoptée, maintient l’État dans sa forme unitaire, républicain, décentralisé, laïc, démocratique et social.
L’État unitaire s’opposant à l’État fédéral ou confédéral où la souveraineté est partagée avec les États fédérés ou confédérés, dans la nouvelle Constitution, comme par le passé, l’État exerce sa souveraineté sur l’ensemble du territoire national. Il ne peut céder aucune parcelle du territoire national ni renoncer à aucun des droits souverains qu’il exerce sur celui-ci à l’exception, des accords d’association ou d’intégration comprenant abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine (art 180). Foin de volonté de partition du pays, la nouvelle Constitution proclame que «Toute atteinte à l’intégrité du territoire national est un crime contre la sûreté de l’État (art 41).
En matière d’organisation territoriale, on le sait la déconcentration se distingue de la décentralisation dans la mesure où il s’agit d’un système de délégation vers des échelons inférieurs internes ne possédant dès lors pas de personnalité morale propre, tandis qu’une décentralisation délègue à des collectivités territoriales possédant une personnalité morale propre. La Différenciation qui permet à chaque territoire d’adapter plus librement son organisation et son action à ses particularités ; La Décentralisation qui accroît les responsabilités conférées aux collectivités territoriales ; La Déconcentration qui confortera les services territoriaux de l’État.
C’est pourquoi dans le texte soumis aux Maliens le 18 juin l’organisation du territoire de la République repose sur les principes de déconcentration et de décentralisation. Le territoire est subdivisé en circonscriptions administratives et en collectivités territoriales (art 174).
En démocratie, la volonté des citoyens s’exprime à travers des représentants qui établissent les lois (pouvoir législatif) et les font appliquer (pouvoir exécutif). Pas étonnant que le Constituant malien ait choisi ce type de régime. Dans les démocraties représentatives contemporaines, ces représentants sont élus. Le fondement de la démocratie est le gouvernement du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple. Selon la formule d’Abraham Lincoln (16e président des États-Unis de 1860 à 1865) prononcée lors du discours de Gettysburg, la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Le gouvernement du peuple désigne aujourd’hui tout système politique dans lequel le peuple est souverain. Par extension, la démocratie peut aussi qualifier une forme de société, la manière de se gouverner qu’adopte une organisation ou encore un système de valeurs.
La République sociale repose sur les principes de solidarité, d’égalité, de justice, de protection et d’intégration. L’État prend les mesures nécessaires à l’effet d’assurer leur mise en œuvre (art33). Toutes les dispositions de la République sociale sont liées au principe d’égalité : les droits sont reconnus « à chacun » ou garantis « à tous ». Et l’égalité est liée à l’universalité des droits et des devoirs. Les emblèmes et les symboles sont la représentation de valeurs et d’idées.
3. La vocation panafricaniste et souverainiste
Dans la nouvelle Constitution si le Mali peut toujours «conclure avec tout État africain des accords d’association ou d’intégration comprenant abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine», les principes de solidarité, d’égalité, de justice, de protection et d’intégration de la République sont réaffirmés : «l’État prend les mesures nécessaires à l’effet d’assurer leur mise en œuvre.
Les autorités en charge de la gestion de l’État et des autres institutions publiques œuvrent exclusivement à la promotion et à la sauvegarde de l’intérêt général.
Les actions qu’elles entreprennent doivent répondre aux besoins et attentes des populations dans le respect des principes de l’État de droit, de participation, de transparence, de responsabilité et de l’obligation de rendre compte.
Aucune autorité publique ne peut, sous peine de sanctions, user des pouvoirs qu’elle tient de la Constitution ou de la loi pour commettre un détournement de ressources ou de biens publics à son profit ou à celui des détenteurs du pouvoir, des membres de leurs familles, d’organismes, ou de toutes autres personnes par favoritisme, corruption, concussion, trafic d’influence ou autres moyens (articles 33 à 35 du projet).
Malgré un fabuleux potentiel minier diversifié et une production moyenne annuelle de 69 tonnes (qui représente dit-on 70% des exportations du Mali, 25% des recettes fiscales, 10 % du PIB et plus de 500 milliards de FCFA de contribution au budget d’Etat en 2021 laissant opaque la part des compagnies multinationales) notre pays reste l’un des plus pauvres de la planète et depuis le légendaire hadj de Kankou Moussa où les cours de l’Or ont drastiquement chuté, les Maliens n’ont jamais vu la couleur de l’or extrait de leur sol. Pour inverser cette tendance, et faire en sorte qu’enfin l’or brille pour les Maliens, les Assises nationales de la refondation ont exigé que désormais le Mali soit souverain sur ses ressources minières. La « création d’une société d’État pour l’exploitation minière » participe de la vision stratégique du Président de la Transition, le colonel Assimi GOITA, de renforcer la souveraineté du Mali par un meilleur contrôle de l’État sur les ressources de notre sous-sol. C’est pourquoi le projet de la nouvelle Constitution en son article 42 établit clairement que «l’État dispose du droit souverain sur les richesses et les ressources naturelles situées sur son territoire». Le souverainisme s’exprime aussi par la constitutionnalisation des langues nationales comme langues officielles et des autorités traditionnelles qui restaurent la fierté et dignité d’une nation unie et solidaire.
4. La dépolitisation de l’Administration
En consacrant un chapitre entier à l’Administration, le nouveau projet prend en charge les attentes des Maliens et les ambitions affichées du Mali-Koura : une Administration débarrassée des scories de la politique essentielle tournée vers la satisfaction des préoccupations des citoyens : le service public de l’État.
C’est ainsi que la nouvelle Administration participera à la promotion du développement économique, social et culturel en répondant de façon adaptée aux besoins de la collectivité nationale et des usagers dans la transparence, le respect des droits de l’Homme et de la démocratie.
Les agents de l’Administration seront tenus, dans l’exercice de leurs missions, de respecter les principes fondamentaux du service public comprenant la légalité, l’égalité, l’impartialité, la neutralité et la continuité. Ils devront adopter un comportement respectueux des règles d’éthique et de déontologie, en particulier d’intégrité et de probité morale» (Articles 82-84 du projet).
Pour rappel, c’est un secret de polichinelle que la politisation de l’administration publique de l’indépendance à nos jours a entachée son bon fonctionnement, surtout que le cadre juridique existant s’y prête. Mais depuis deux ans, les autorités de la Transition, renforcées par les recommandations issues des ANR de 2021, se sont engagés à endiguer le phénomène de politisation. Inscrite parmi les Réformes politiques et institutionnelles prévues dans le Plan d’action du gouvernement de transition et les Assises, l’élaboration d’une Stratégie nationale pour la dépolitisation de l’administration et son Plan d’action a été élaborée par le gouvernement.
Désormais, au Mali, tout citoyen investi d’un mandat public ou chargé d’un emploi public ou d’une mission de service public a le devoir de l’accomplir avec conscience, loyauté et probité. Les agents de l’administration sont tenus de rendre compte de l’exercice de leurs missions, de respecter les principes fondamentaux du service public comprenant la légalité, l’égalité, l’impartialité, la neutralité et la continuité. Ils doivent adopter un comportement respectueux des règles d’éthique et de déontologie, en particulier, d’intégrité et de probité morale (art 85).
5. La destitution du Président de la République
Sous le régime de la 3e République, le Chef de l’État était une sorte de monarque républicain avec tous les droits et peu de responsabilités.
La responsabilité du Président de la République peut être engagée pour des faits qualifiés de haute trahison.
Il peut être destitué par le Parlement pour haute trahison.
Il y a haute trahison lorsque le Président de la République viole son serment.
La motion de destitution est initiée par les membres de l’une ou l’autre chambre du Parlement. Elle n’est recevable que si elle est signée par au moins les deux tiers des membres.
Les deux chambres du Parlement se réunissent en Congrès extraordinaire pour statuer sur la destitution du Président de la République sous la présidence du président de la Cour suprême. La destitution est prononcée à la majorité des trois quarts des membres du Congrès (art 73)
L’atteinte à une institution issue du suffrage universel ne pouvant être appréciée que par le représentant du peuple souverain, il revient au Parlement de prendre une telle décision. Le Parlement ne se prononce pas sur la nature ou la qualification pénale des manquements commis par le chef de l’État, mais sur la compatibilité de ces manquements avec la fonction. Le Président destitué redevient un citoyen ordinaire et peut alors, si ce manquement constituait par ailleurs une infraction, être poursuivi devant les juridictions de droit commun.
Aussi ne s’agit-il pas pour le parlement de se substituer à la justice afin de juger le chef de l’État, mais de se prononcer sur sa capacité à poursuivre son mandat, compte tenu des manquements qui lui sont reprochés.
La destitution est donc conçue comme « une «soupape de sûreté» qui, dans des cas exceptionnels et graves, préserve la continuité de l’État en mettant fin, par des mécanismes présentant toutes garanties, à une situation devenue intenable »
6. L’Institution d’un Sénat
Le projet constitutionnel instaure un Sénat, conformément aux attentes des Maliens et aux indications de l’Accord de paix. Les membres du Sénat portent le titre de sénateurs. Le mandat des membres du Sénat est de cinq ans (art 97). Les sénateurs seront élus au suffrage universel indirect.
La seconde chambre du parlement ainsi sera constituée, pour trois quarts, de membres élus au suffrage universel indirect représentant les collectivités territoriales et, pour un quart, de membres désignés représentant les autorités et les légitimités traditionnelles, les Maliens établis à l’extérieur et de personnalités ayant honoré le service de la Nation.
Les deux chambres du Parlement auront le même rôle : examiner à fond les lois et les voter et contrôler l’action du gouvernement. Mais à la différence de l’Assemblée nationale, le Sénat défendra en plus les intérêts des collectivités, des départements et des régions, ce qu’on appelle les « collectivités territoriales ».
Le rôle principal des sénateurs sera de voter la loi. Ils contrôleront aussi l’action du Gouvernement. Contrairement aux députés, les sénateurs ne pourront pas remettre en cause la responsabilité du Gouvernement.
7. L’Interdiction du nomadisme politique
Portée au pinacle en Afrique dans les années 90, à la faveur de l’éviction de nombreux régimes autoritaires, la démocratie y connaît aujourd’hui un reflux qui donne toute la mesure du chemin à parcourir pour son approfondissement et son enracinement. Les institutions et les pratiques démocratiques révèlent leurs limites quand ce n’est pas leurs perversions. La transhumance, appelée également nomadisme politique, est rangée parmi ces travers.
Empruntée au vocabulaire pastoral, la transhumance désigne la migration périodique des troupeaux à la recherche d’espaces plus favorables à leur sustentation et à leur épanouissement. Transposée à la vie politique, elle renvoie à l’attitude de l’homme politique qui migre d’un parti politique auquel il appartient au moment de son élection vers un autre parti, pour des intérêts personnels.
La transhumance est différente de la dissidence : le dissident organise sa tendance au sein de son parti, ou le quitte pour en créer un autre, ou déploie son jeu politique en dehors des partis. Le transhumant ou le nomade politique, au contraire, quitte son parti, avec armes et bagages, pour en rejoindre un autre, tout en se réservant la possibilité, au gré des circonstances, de revenir dans son parti d’origine. Dans la pratique, la transhumance se présente, le plus souvent, comme des épisodes de reniements, de revirements, de ralliements d’anciens opposants, élus nationaux ou locaux, qui, après avoir bénéficié de l’investiture de leurs partis, démissionnent pour rejoindre la mouvance gouvernementale avec l’espoir de bénéficier de quelques avantages.
Dans le régime politique institué par la nouvelle Constitution, tout député ou tout sénateur, qui démissionne de son parti politique ou de l’organisation qu’il représente, est déchu de son mandat. La démission est dûment constatée par écrit. L’adhésion à un autre parti ou à une autre organisation est considérée comme une démission. Le député ou le sénateur démissionnaire est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique (art 106).
8. La lutte contre la corruption et l’impunité
Le Mali Koura prône une gouvernance de rupture qui porte l’espoir de guérir la Nation des maux qui l’assaillent depuis des lustres, dont l’instabilité politique et institutionnelle, l’affaissement de l’État, conséquences directes de la corruption et de l’impunité. Pour ce faire, les autorités de la Transition se sont engagées dans le Plan d’action du Gouvernement à instaurer une gouvernance vertueuse, une gouvernance de rupture et d’exemplarité et mais aussi à adopter un pacte de stabilité pour la croissance et l’émergence. Il s’agit en gros d’engager une lutte implacable pour combattre la corruption et l’impunité, qui sont à la base de la déliquescence de l’État.
Considérant que la corruption et l’enrichissement illicite compromettent les efforts de développement du pays ; le projet de Constitution soumis à l’approbation des Maliens le 18 juin engage l’État et les citoyens à entreprendre toutes actions nécessaires pour lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite et promouvoir une gouvernance exemplaire de l’État. Au Mali désormais, aucune autorité publique ne peut, sous peine de sanctions, user des pouvoirs qu’elle tient de la Constitution ou de la loi pour commettre un détournement de ressources ou de biens publics à son profit ou à celui des détenteurs du pouvoir, des membres de leurs familles, d’organismes, ou de toutes autres personnes par favoritisme, corruption, concussion, trafic d’influence ou autres moyens. (art 35).
La nouvelle Cour des comptes, juge des comptes des comptables publics de derniers et de matières, contrôle la régularité des opérations financières, sanctionne les fautes de gestion, déclare et apure les gestions de fait (art 158)
Mieux désormais le Président du Mali peut être destitué pour corruption : «le Président de la République est responsable de faits qualifiés de haute trahison.
Il peut être destitué par le Parlement pour haute trahison.
Il y a haute trahison lorsque le Président de la République viole son serment, pose des actes manifestement incompatibles avec l’exercice de ses fonctions, est auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des droits humains, d’atteinte aux biens publics, de corruption ou d’enrichissement illicite».
Conformément à l’engagement du Président de la Transition, le colonel Assimi Goïta porteur du projet, endossé par le Gouvernement à travers le Plan d’Action du Gouvernement adopté par le CNT, la nouvelle Constitution engage appel à une lutte implacable contre la corruption, la délinquance financière et l’impunité.
9. Les clarifications et la fin des équivoques
En réaffirmant l’attachement du Mali à la forme républicaine et à la laïcité de l’État, le Constituant 2023 reste dans les sentiers battus. La République laïque du Mali a existé 60 ans sans que cela n’incommode personne. Pourquoi donc changer un principe constitutionnel qui participe à l’unité et à la cohésion nationale ? La répétition étant pédagogique, le projet de constitution met les points sur les i en son article 32 en ces termes : «la laïcité a pour objectif de promouvoir et conforter le vivre-ensemble dans la société, fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle. Pour l’application de ce principe, l’État garantit le respect de toutes les croyances ainsi que la liberté de conscience, de religion et le libre exercice des cultes ».
Dans le chapitre des droits et liberté, qu’elle consacre, la nouvelle Constitution en son article 9 affirme que «le mariage et la famille, qui constituent le fondement naturel de la vie en société, sont protégés et promus par l’État (et que) le mariage est l’union entre un homme et une femme ». En constitutionnalisant que le mariage ne se fait qu’entre un Homme et une Femme, le projet exclut totalement et de manière irrémédiable les mariages homosexuels.
L’article 185 du projet érige les légitimités traditionnelles, comme gardiennes des valeurs de la société, contribuant au renforcement de la cohésion sociale et à la gestion des conflits. « Ces hommes sont les garants de la cohésion sociale, de la stabilité, du vivre-ensemble, mais aussi de la prévention et de la gestion des conflits dans les différentes localités » selon le président de la Transition.
En hissant les légitimités traditionnelles et coutumières sur un piédestal institutionnel, le pouvoir de Transition du Mali innove dans le sens de la gouvernance de rupture. En effet, la transition a, depuis sa mise en place, affiché ses intentions de valoriser nos us et coutumes et d’intégrer les légitimités traditionnelles dans une sphère de la gouvernance du pays.
Au nombre des clarifications on peut ajouter l’interdiction des discriminations entre les Maliens basés sur l’ethnie et la religion (article 1er). En ajoutant à la liste des fondements de discrimination prohibée, l’ethnie et la région, le projet de Constitution fait en même temps une innovation fondamentale. Tout comme la constitutionnalisation de la criminalisation de l’esclavage par ascendance, du trafic d’enfants et de l’extrémisme religieux fondé sur la haine et le refus de l’autre, avec son cortège de crimes organisés sont prohibés (article 3).
L’on peut sur ce registre ajouter aussi la consécration de l’égalité devant la défense nationale ou la Défense de la Patrie (Art 24) ainsi que la mobilisation générale et le volontariat affirmés dans le projet.
Enfin la relégation du français comme langue de travail au profit des nos langues nationales érigées en langues officielles exalte la fierté nationale et s’insère parfaitement dans le cadre de l’affirmation de notre souveraineté et de la valorisation de notre héritage culturel, les langues nationales sont désormais les langues officielles du Mali.
10. Dépolitisation de l’armée
Un des 3 piliers de la Transition, sinon le premier c’est la sécurité : restaurer et préserver l’intégrité territoriale et assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire, telle est la mission sacrée des Forces armées maliennes (FAMas), au centre du dispositif de la Transition. Si l’unanimité se fait sur la nécessite et l’urgence d’équiper notre armée et faire d’elle la fierté de la nation, beaucoup de voix s’élèvent aussi sur le type d’armée qu’il nous faudrait pour le Mali Koura. Le Constituant de 2023 estime sur la question à l’article 92 que l’État devrait veiller «à ce que les Forces armées et de sécurité disposent en permanence de capacités en ressources humaines et en moyens matériels nécessaires pour accomplir leurs missions. La planification de ces ressources et moyens s’opère à travers des lois de programmation »
Si elles «peuvent participer à des missions extérieures de paix, de stabilisation ou de sécurité dans le cadre du respect des engagements internationaux du Mali (…) Les Forces armées ne peuvent être employées au maintien de l’ordre public que dans les conditions déterminées par la loi. Cela résout-il la question de qui a tiré ?
Professionnelles, mieux formées et mieux équipées, « les Forces armées et de sécurité sont chargées de la défense de l’intégrité du territoire national, de la protection des personnes et de leurs biens, du maintien de l’ordre public et de l’exécution des lois. Elles participent aux actions de développement économique, social et culturel du pays. Les Forces armées et de sécurité sont au service de la Nation. Elles sont républicaines, apolitiques et soumises à l’autorité politique ».
Les dix choses à retenir
Outre qu’il n’y aura ni partition du pays, ni fédéralisme, ni État islamique, à la suite de l’éminent avocat et homme politique on peut retenir dix (10) points :
1- Rien ne sera comme par le passé : qui mange paie. La lutte contre la corruption et l’impunité est érigée en principe constitutionnel ;
2- L’abolition du troisième tour : la Cour constitutionnelle ne peut plus inverser les résultats proclamés par des instances inférieures. Elle peut juste annuler une élection ;
3- la dépolitisation de l’administration : désormais «les agents de l’Administration seront tenus, dans l’exercice de leurs missions, de respecter les principes fondamentaux du service public comprenant la légalité, l’égalité, l’impartialité, la neutralité et la continuité. Ils devront adopter un comportement respectueux des règles d’éthique et de déontologie, en particulier d’intégrité et de probité morale» ;
4- De monarque républicain intouchable désormais le Président de la République peut être destituer comme les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social, environnemental et culturel pour corruption et sa responsabilité mise en jeu pour des faits qualifiés de haute trahison. Il est désormais pénalement responsable, devant les juridictions de droit commun, des crimes et délits commis en dehors de l’exercice de ses fonctions.
5- Les membres du gouvernement hier inattaquables sans l’autorisation du gouvernement sont désormais pénalement responsables des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
6- Pour perdre son mandat, le député ou le conseiller national doit faire l’objet d’une condamnation définitive à la demande du ministre de la Justice ou de tout citoyen ;
7- Désormais les élus ne peuvent plus divaguer au gré de leur crise d’estomac : toute adhésion à un autre parti politique ou une autre organisation, en cours de mandat, est considérée comme une démission et fait perdre au transhumant son mandat.
8- Le champ d’action de l’immunité des parlementaires a été fortement réduit et limité au seul cadre de l’exercice de leurs fonctions.
9 – La création de la Cour des comptes (article 156) chargée de recevoir les déclarations de biens des assujettis et du contrôle des comptes des partis politiques.
10 – La création du Sénat.
RÉALISÉ PAR LA RÉDACTION